Présence, dormance et rôle écologique des tardigrades dans un milieu restauré
Résumé du sujet de la thèse
L’estuaire de l’Escaut était lourdement pollué pendant les années 1960 - 1990. L’apport important de matière organique du bassin versant provoquait fréquemment de l’anoxie, surtout dans le tronçon amont, en eau douce. Après des mesures de restauration, la qualité de l’eau a significativement été améliorée (Cox et al., 2009). La diminution des apports organiques dans l’Escaut s’est traduite par une augmentation de la concentration en O2 dissous et une diminution en NH4. En parallèle avec cette amélioration de la qualité de l’eau, les communautés planctoniques et benthiques ont fortement changé. Dans la communauté d’eau douce, l’espèce de copépode Eurytemora affinis, qui était présente avant 2007 quasi exclusivement en aval de l’estuaire, a colonisé la partie d’eau douce, en amont. En même temps, les copépodes cyclopides, dominants en eau douce avant 2007, ont quasiment disparu (Mialet et al., 2011 ; Chambord et al., 2016). Au niveau du benthos, des organismes meiobenthiques (30-500 μm), notamment les oligochaetes, extrêmement abondants sur les vasières en eau douce, ont également très fortement diminué en abondance.
Il est curieux que des organismes pélagiques aussi bien que benthiques disparaissent en parallèle avec une amélioration de la qualité de l’eau. Le lien entre les deux communautés pourrait s’expliquer par le fait que certains taxons de cyclopides ont des stades de dormance dans les sédiments.
Mehrah (2016) et Souley (2017) ont étudié l’apparition d’organismes issus de stades de dormance à partir des sédiments de l’Escaut. En plus de différents stades de copépodes cyclopides, ces expériences ont mis en évidence l’apparition d’un grand nombre de tardigrades (entre 10 et 10 000 individus/m2/jour). Les tardigrades sont connus comme des organismes très résistants aux conditions environnementales défavorables (Sloan et al., 2017). La capacité de rentrer en dormance joue un rôle important dans la résilience des tardigrades (Garey et al., 2008). Des basses concentrations en O2 peuvent déclenchez la dormance chez les tardigrades. Certains taxons de tardigrades sont carnivores, se nourrissant entre autre d’oligochaetes (Hohberg & Traunspurger, 2009). L’hypothèse d’un impact de leur activité de prédation, expliquant à la fois la diminution des effectifs des cyclopides et des oligochaetes dans l’Escaut, a été formulée.