Dynamiques de la biodiversité et trajectoires fonctionnelles des écosystèmes
1. Présentation et problématique générale
La croissance exponentielle de la population humaine, ainsi que l’industrialisation et l’urbanisation qui y sont associées, ont profondément altéré le fonctionnement des écosystèmes et ont entraîné la sixième extinction de masse. Bien que des initiatives internationales aient été entreprises pour concilier le développement et l’expansion des populations humaines avec la santé des écosystèmes et la conservation de la biodiversité, rien ne semble enrayer la dynamique actuelle.
Alors que 95 % des surfaces terrestres sont aujourd’hui transformées par les activités humaines, la compréhension des processus liant les changements globaux au fonctionnement des écosystèmes est un élément clé pour envisager leur atténuation. Plus qu’une problématique scientifique, la façon dont les populations humaines exploitent les écosystèmes et coexistent avec la biodiversité est à l’origine de conflits sociaux, économiques et politiques. La compréhension de processus écologiques, leurs origines et leurs conséquences, y compris à des échelles temporelles longues, permet de comprendre comment les changements globaux ont impacté les écosystèmes à différentes échelles spatiotemporelles : dynamiques actuelles des écosystèmes, études rétrospectives et modélisation des trajectoires. Elle fournit également un éclairage important sur le rôle des écosystèmes et de leur fonctionnement dans les changements globaux. L’ambition de ce thème est d’aboutir à des outils et des concepts pour diagnostiquer l’état écologique des écosystèmes, et concilier la conservation de la biodiversité (génétique, spécifique et écosystémique) et des processus fonctionnels associés avec le développement socioéconomique des populations humaines, en minimisant les conflits tout en maintenant les services écosystémiques. Inscrites dans une démarche de transfert du fondamental vers l’opérationnel, ces recherches nourriront les actions menées en écologie de la restauration et de la conservation, pour la réalisation d’objectifs de développement durable.
2. Structuration et projet scientifique à 5 ans
Le thème DYNABIO se structure en trois axes complémentaires : Axe 1- Évolution et dynamique de la biodiversité, Axe 2 - Rôle fonctionnel de la biodiversité, Axe 3 - Trajectoires spatio-temporelles des écosystèmes en réponse aux changements globaux
3. Approches : outils et méthodes
Les recherches développées dans ce thème couvrent un continuum depuis l’unité taxonomique jusqu’au biome, à des échelles temporelles variées : temps long, temps court, scénarios prospectifs. Pour appréhender ces différents niveaux d’organisation et ces différentes échelles spatio-temporelles, nos approches s’appuieront sur des systèmes d’observation, sur la combinaison observation/rétro- observation et sur des outils de modélisation statistique et dynamique.
Systèmes d’observation : Les approches développées s’appuient sur l’acquisition de données d’observation de terrain, qui peuvent être complétées par des expérimentations en conditions contrôlées. Il y a donc des liens très forts avec les infrastructures de recherches offrant des dispositifs d’observation sur le long terme (RZA, ANAee, OZCAR, eLTER, OHM...).
Combinaison observation et rétro-observation : L’originalité de ce thème est de construire et renforcer les ponts entre néo- et paléo-écologie pour : (1) couvrir des échelles spatiales et temporelles emboitées. Les approches paléo-écologiques contribuent à comprendre les changements de la biodiversité et du fonctionnement des écosystèmes sur le temps long des échelles décennales, séculaires à pluri-millénaires, en caractérisant des états d’équilibres initiaux, des régimes de perturbations et des types de trajectoires-réponses en identifiant notamment des points de bascules, et en hiérarchisant les facteurs de forçage et leurs interactions. (2) faciliter les « transferts de technologie » vers l’étude des archives par le développement (calibration, validation) et la mise en œuvre de paléo-proxies : à la fois des marqueurs « classiques » (pollens, NPPs, chironomes, charbons) et des proxies innovants (ADN ancien, macro-restes végétaux, composés spécifiques, approches isotopiques...).
Modélisation
La modélisation des données acquises dans les différents programmes de ce thème est un outil central de nos recherches, d’autant plus avec le développement de nouvelles méthodes analytiques générant massivement des données (capteurs environnementaux, next-generation sequencing...). Les modèles statistiques et probabilistes (en particulier les séries temporelles), les systèmes dynamiques ou l’imagerie concernent de nombreux projets et applications pour l’étude des relations entre les organismes et leur environnement, leur distribution et leur diversité. Des modèles théoriques seront développés pour reconstituer les trajectoires des écosystèmes et simuler leur dynamique selon différents scénarios de forçages climatiques et/ou anthropiques.
Outils et descripteurs
- Collectes de terrain : carottages (lacs, tourbières), prélèvements environnementaux, prélèvements de spécimens (végétaux, entomofaune), suivis des conditions mésologiques in situ, échantillons non invasifs provenant de la faune sauvage (fèces, poils).
- Ecologie/ Paléoécologie : identification de micro- et macro-restes (pollen, carporestes, restes animaux dans les sédiments, les contenus stomacaux et fécaux), morpho-anatomie sur collections vivantes et muséales, systématique, patrons et modèles d’adaptation et de diversification.
- Outils spécifiques à l’écologie moléculaire : taxonomie moléculaire, inventaires d’unités taxonomiques, génétique des populations (diversité et différenciation génétiques), phylogénie et phylogéographie. Ces méthodes reposent sur l’étude d’ADN anciens et modernes, grâce à l’amplification d’ADN par PCR/qPCR, et le séquençage d’ADN (Sanger, NGS).
- Marqueurs isotopiques et lipidiques : signatures isotopiques du carbone et de l’azote des consommateurs benthiques et pélagiques et de leurs restes subfossiles, compositions lipidiques de la matière organique et des consommateurs, signatures isotopiques de marqueurs lipidiques. Les données produites dans le cadre de ce thème seront référencées, décrites et ouvertes via le portail de l’Atelier de la donnée dat@UBFC qui référence les données de recherche des établissements de Bourgogne Franche-Comté.
4. Objets, terrains d’étude
Les réseaux de partenariats nationaux et internationaux, installés de longue date et structurés par des outils institutionnels (par ex. IRP Forêts froides, GDR, Zones Ateliers), offrent l’opportunité d’étudier une diversité d’écosystèmes (lacs et zones humides, forêts et prairies). Les recherches menées dans le thème s’appuieront également sur un réseau d’acteurs de la gestion des écosystèmes et de la biodiversité, tels que des réserves naturelles nationales, parcs naturels régionaux, conservatoires des espaces naturels, Agence de l’Eau, OFB, associations naturalistes, fédérations de pêche et de chasse. Les zones géographiques couvertes par ces recherches s’étendent des biomes subarctiques, boréaux (Amérique du Nord) jusqu’à l’Asie Centrale, en passant par l’Europe tempérée et méditerranéenne (focus particulier sur les zones de montagne) ainsi que les biomes tropicaux (Océanie, Amazonie).