
Les lacunes dans les connaissances concernant le rôle potentiel des pesticides dans la perte de la biodiversité agricole dans le monde limitent une l’évaluation des risques liés aux impacts involontaires des pesticides. Ceci rend essentielle la surveillance de l’exposition de la faune à ces composés.
L’exposition de petits mammifères sauvages aux « anciens » pesticides (interdits et restreints d’usage) et aux pesticides actuellement en usage a été étudiée pour éclairer les connaissances sur ces questions. Des mulots du genre Apodemus (omnivores) et des musaraignes de l’espèce Crocidura russula (insectivores) ont été capturés dans deux zones de paysages agricoles français (Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre et dans la Zone Atelier Arc Jurassien). Les concentrations de 140 substances chimiques mères et métabolites ont été analysées dans des échantillons de poils (93 individus).
Un total de 112 composés a été détecté, montrant une exposition des petits mammifères aux fongicides, herbicides et insecticides avec 32 à 65 résidus détectés par individu (13 à 26 anciens pesticides et 18 à 41 pesticides actuels chez chaque animal). 13 anciens pesticides et 25 pesticides actuels ont été détectés chez plus de 75 % des individus.

Des concentrations supérieures à 10 ng/g ont été quantifiées pour 7 anciens pesticides et 29 pesticides actuels (chez 46% et 72% des individus, respectivement), et supérieures à 100 ng/g pour 10 pesticides actuels (chez 22% des individus). La contamination (nombre de composés ou concentrations) était globalement plus élevée chez les musaraignes que chez les rongeurs, plus élevée chez les animaux capturés dans les haies et les cultures céréalières que dans les prairies, mais ne différait pas significativement entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique.
Une contamination générale et omniprésente par les pesticides anciens et actuels a été mise en évidence, soulevant des questions sur les voies d’exposition et les impacts sur les écosystèmes. Les chercheurs proposent un concept appelé "biowidening", décrivant une augmentation de la diversité des composés aux niveaux trophiques supérieurs. Ce travail suggère que l’exposition de la faune à des mélanges de pesticides est une règle plutôt qu’une exception, soulignant la nécessité de prendre en compte le concept d’exposome et remettant en question la pertinence des processus actuels d’évaluation et d’atténuation des risques.
Fritsch C., Appenzeller B., Burkart L., Coeurdassier M., Scheifler R., Raoul F., Driget V., Powolny T., Gagnaison C., Rieffel D., Afonso E., Goydadin A.-C., Hardy É M., Palazzi P., Schaeffer C., Gaba S., Bretagnolle V., Bertrand C., Pelosi C. Pervasive exposure of wild small mammals to legacy and currently used pesticide mixtures in arable landscapes. Sci Rep 12, 15904 (2022)
La presse en parle :
- Dans les campagnes françaises, l’exposition de la faune aux pesticides est généralisée : article du Monde