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Vers une définition objective de l’habitat optimal des espèces de petits mammifères

Comment définir objectivement l’habitat optimal des espèces de petits mammifères ? C’est la question à laquelle répond l’article « Mapping small mammal optimal habitats using satellite-derived proxy variables and species distribution models » publié dans PLoS One en août 2023, par des écologues de Chrono-environnement (CNRS - Université de Franche-Comté)

Principaux habitats présents sur le site d’étude de Narati. (a) Forêts mixtes et prairies de basse altitude. (b) Forêts de feuillus dans les vallées. c) Agriculture arable. d) Forêts mixtes de conifères et prairies de haute altitude. (e) Prairies (y compris les zones fauchées). (f) Prairies de haute altitude.

Les petits mammifères jouent un rôle important dans les écosystèmes terrestres : ils contribuent à la dispersion des graines, modifient la structure du sol et la composition de la végétation. Ils sont aussi la proie de nombreux prédateurs, et donc souvent des espèces clés de voute de ces communautés. Certaines espèces connaissent des pics de populations (pullulations) qui peuvent avoir alors un impact important sur les productions agricoles et la transmission d’agents pathogènes.
Il a été montré que le risque d’apparition de ces pics dépend du ratio d’habitat favorable, appelé aussi habitat optimal, dans un paysage. Il est donc fondamental de pouvoir définir objectivement l’habitat optimal de chaque espèce. Cette définition se heurte à de nombreuses difficultés méthodologiques. Lorsque des études à long terme ne peuvent être réalisées (urgence, manque de financement, etc.), les données sont basées sur des échantillonnages instantanés. Ainsi, des variations pluriannuelles d’abondance (cycliques ou non) peuvent conduire à constater l’absence d’une espèce dans son habitat optimal (par exemple lors d’une phase de faible densité), et inversement, lors de pics de population, la présence d’une espèce peut être observée dans des habitats défavorables, du fait du débordement de populations provenant d’habitats réellement favorables. Le plus souvent, donc, l’habitat optimal de chaque espèce est défini « à dire d’expert », ce qui peut introduire un biais de subjectivité.

Cette étude vise à définir à partir de mesures dérivées de données satellitaires, les habitats optimaux d’espèces échantillonnées par les moyens hétérogènes (piégeage adapté, transects indiciaires), ce à quoi les contraintes de terrain obligent souvent. Les données satellitaires quantifient les caractéristiques et la dynamique du paysage selon leurs variations spatiales et temporelles de réflectance (notamment saisonnières) ont été obtenues à partir de GoogleEarth. Les données sur les petits mammifères ont été obtenues dans la région de Narati, Tian Shan, Chine, en septembre 2006 et celle de Sary Mogul, Kirghizistan, en septembre 2014 lors de campagnes d’échantillonnage réalisées dans le cadre d’une coopération franco-sino-britannique soutenue financièrement par les Instituts de santé publique des États-Unis et le Wellcome trust. Les variables satellitaires statistiquement importantes ont été sélectionnées par l’algorithme « boruta », et leur association avec la distribution des différentes espèces de petits mammifères modélisée par l’algorithme « random forests ».

Classifications de la couverture terrestre. (a) Zone d’étude de Sary Mogul. (b) Zone d’étude de Narati.

Même si cette approche n’élimine pas complètement tous les biais possibles mentionnés plus haut, l’habitat optimal est ici défini par une combinaison de variables dynamiques du paysage accessibles par satellite. Cela signifie que nous pouvons passer d’une définition de l’habitat optimal basée sur l’opinion d’experts, à une définition basée sur la mesure objective des distributions des espèces de petits mammifères elles-mêmes. L’étude montre qu’il existe des différences significatives entre les deux types d’estimation.

Mapping small mammal optimal habitats using satellite-derived proxy variables and species distribution models, PLOS ONE, 2023 : C. Marston, F. Raoul, C. Rowland, J.-P. Quéré, X. Feng, R. Lin, P. Giraudoux, DOI 10.1371/journal.pone.0289209

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