Amedea Perfumo reconstitue le passé à partir de l’information génomique des espèces disparues : animales, végétales ou encore microbiennes. Elle est récemment arrivée au laboratoire Chrono-environnement sur une Chaire de Professeur Junior (CNRS). Portrait
Labo – Quelle est votre discipline de recherche ? 
Amedea Perfumo (AP) – La paléogénomique, l’étude de l’ADN ancien, est mon domaine d’étude, elle s’appuie sur une formation en microbiologie. L’ADN ancien fait référence au matériel génétique préservé dans les archives naturelles telles que les sédiments et la glace, ce qui nous permet de reconstruire les écosystèmes du passé et de retracer l’histoire à long terme de la biodiversité.
Une phrase pour expliquer votre métier
J’étudie l’ADN ancien pour découvrir l’histoire de la biodiversité et la manière dont elle peut nous aider à faire face aux changements mondiaux actuels.
D’où venez-vous ? Quel est votre parcours professionnel ?
Je suis né en Italie et j’ai construit mon parcours professionnel à travers l’Europe, avec des expériences de recherche au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne et maintenant en France. Microbiologiste de formation, j’ai toujours été intriguée par la vie dans les environnements extrêmes, où les organismes font preuve d’une résilience remarquable. Aujourd’hui, j’étudie comment les stratégies qui ont soutenu la vie pendant des millénaires peuvent nous guider face aux défis environnementaux actuels.
Qu’est-ce qui vous a donné le goût de la recherche ?
Ce qui m’a vraiment donné le goût de la recherche, c’est de réaliser à quel point la vie peut être incroyablement résistante. Voir comment les organismes s’adaptent aux conditions les plus difficiles m’a fasciné, et cela me motive encore aujourd’hui – en particulier l’idée que nous pouvons nous inspirer de ces stratégies pour construire des modes de vie plus durables.
Quelles sont vos activités de recherche ?
Mes recherches actuelles sont ancrées dans deux projets complémentaires qui utilisent tous deux l’ADN ancien pour retracer les interactions plantes-microbes à travers le temps. Dans le cadre du projet Horizon Europe TOLERATE, j’étudie comment ces interactions ont réagi aux changements climatiques passés, dans le but d’identifier les caractéristiques qui peuvent renforcer l’agriculture d’aujourd’hui contre la sécheresse, la chaleur et les stress environnementaux connexes. Parallèlement, le projet PaleoGreen, financé par l’ANR, étudie comment la végétation et les microbiomes du sol sont passés des paysages naturels aux champs cultivés au cours de l’Holocène et de l’Anthropocène, dans le but de révéler des communautés microbiennes résilientes et des traits adaptatifs qui pourraient être exploités pour des agroécosystèmes durables.
Quels sont les intérêts de cette recherche ?
Mes perspectives sont de continuer à explorer la manière dont les traces génétiques de la vie passée peuvent nous guider dans la construction d’un avenir plus durable. En combinant les connaissances de l’ADN ancien avec les défis écologiques modernes, j’espère apporter des connaissances qui soutiennent la biodiversité, les écosystèmes résilients et l’agriculture durable. En fin de compte, je souhaite jeter des ponts entre les leçons du passé et les solutions de l’avenir, en montrant comment la longue histoire de l’adaptation de la vie peut inspirer des réponses aux changements mondiaux d’aujourd’hui.
Dans quels thèmes de Chrono-environnement travaillez-vous ?
Mes recherches au laboratoire recoupent plusieurs thèmes : elles contribuent à DYNABIO en utilisant l’ADN ancien pour explorer comment la biodiversité a réagi aux changements climatiques passés ; elles sont liées à SOPAST en reconstruisant la végétation et les microbiomes du sol pour montrer comment l’activité humaine et l’utilisation des terres ont façonné les écosystèmes ; et elles sont liées à POLLUTION en examinant l’évolution à long terme des agroécosystèmes sous la pression humaine, offrant ainsi un aperçu de la durabilité et de la santé de l’environnement.
Avez-vous déjà identifié des collaborations ?
Je pense qu’il existe un grand potentiel de collaboration avec les archéologues. L’intégration de l’ADN environnemental ancien dans la recherche archéologique est encore très récente, mais elle est extrêmement prometteuse pour ouvrir de nouvelles perspectives sur les interactions passées entre l’homme et l’environnement. En reliant les signaux génétiques des sols et des sédiments aux archives archéologiques, nous pouvons mieux comprendre l’évolution conjointe des paysages, de la biodiversité et des sociétés. Cette approche interdisciplinaire offre des possibilités passionnantes de relier les histoires biologiques et culturelles d’une manière qui n’a pas encore été pleinement explorée.
- Weiß J.F., Herzschuh U., Müller J., Liang J., Vorrath M.E., Perfumo A., Stoof-Leichsenring K.R. Carbon drawdown by algal blooms during Antarctic Cold Reversal from sedimentary ancient DNA. Nature Geoscience. 2025 Aug 25:1-8.
- Perfumo A., Çabuk U., Schulte L., Courtin J., Harms L., Stoof‐Leichsenring K.R., Herzschuh U. Paleometagenomics reveals environmental microbiome response to vegetation changes in northern Siberia over the millennia. Environmental DNA. 2023 Nov;5(6):1252-64.
- Courtin J., Perfumo A., Andreev A.A., Opel T., Stoof‐Leichsenring K.R., Edwards M.E., Murton J.B., Herzschuh U. Pleistocene glacial and interglacial ecosystems inferred from ancient DNA analyses of permafrost sediments from Batagay megaslump, East Siberia. Environmental DNA. 2022 Nov;4(6):1265-83.
Quelques dates
2007-2010 : Doctorat en microbiologie, Université d’Ulster, Coleraine, Irlande du Nord, Royaume-Uni
2010-2013 : Contrat de recherche, Agence spatiale européenne (ESA), Noordwijk, Pays-Bas ; thème de recherche : l’adaptation microbienne aux conditions environnementales extrêmes.
2014-2018 : Bourse post-doctorale européenne Marie Skłodowska-Curie Actions,GFZ Helmholtz Centre for Geosciences, Potsdam, Allemagne ; thème de recherche : vie microbienne dans le pergélisol
2019-2023 : Chercheuse et coordinatrice de plusieurs projets en paléogénomique, Alfred Wegener Institute AWI, Potsdam, Allemagne
2023 : Chercheuse principale, Projet Horizon Europe TOLERATE (Commission européenne)
2024 : Chaire de professeur junior de paléogénomique, CNRS-UMLP, Besançon, France




