PATHOGENES

 

Agents Pathogènes : histoire, diffusion, résistance et génomique

Présentation et problématique générale

Les objectifs communs de ce thème sont de comprendre et d’identifier les facteurs favorisant l’émergence, la sélection et la diffusion des AP. Les modifications de l’environnement, les interactions entre l’homme et l’animal, les contaminations par les agents sélecteurs de mutations et les transferts génétiques modifient ainsi l’histoire évolutive de ces pathogènes, à l’échelle de la population humaine, de la communauté microbienne (microbiotes) et de la cellule d’AP (single cell). La particularité de ce thème est d’avoir une approche intégrée, allant des observations (cliniques ou sur le terrain) et des caractérisations phénotypiques des AP, jusqu’au décryptage des mécanismes moléculaires physiopathologiques à l’aide d’outils ‘omics’. Ce groupe réunit autour d’une thématique commune, des biologistes médicaux et moléculaires, des cliniciens, des écologues, des paléo-écologues, des bio- informaticiens, des mathématiciens et des statisticiens. Cette diversité de compétences et d’approches des AP permet d’analyser les relations passées et présentes entre l’Homme et les AP avec une vision intégrée One Health et de s’inscrire dans plusieurs grands défis nationaux (ANR, One Water, Axe H.3. Maladies infectieuses et environnement, Axe H.4. Santé publique, santé, sociétés) et européens (JPI- AMR : “améliorer la compréhension des mécanismes de transmission de la résistance antimicrobienne chez l’homme, l’animal et dans l’environnement et permettre la mise en place de mesures de surveillance et d’interventions pour limiter la transmission de gènes de résistance, de résidus d’antimicrobiens et d’organismes résistants”). In fine, l’objectif majeur de cette approche est de pouvoir transférer les connaissances acquises à la prise en charge des patients et au bénéfice des populations humaines exposées aux AP.

Structuration du projet à 5 ans

A – Le thème Agents Pathogènes se structure en trois axes complémentaires qui organisent la recherche “du terrain et de la clinique à la biologie moléculaire” sur des espèces microbiennes appartenant à tous les grands groupes d’AP (bactéries, parasites, levures, champignons, acariens et virus).

AXE 1 – La diffusion des agents pathogènes (AP) est étudiée à partir de collections de micro-organismes isolés de prélèvements d’origine humaine, mais également environnementale (professionnel, domestique, hospitalier) et animale (élevage et faune sauvage).

Les chercheurs de ce thème travaillent sur les AP à diffusion communautaire et/ou hospitalière. En conséquence, ils intègrent dans leur analyse, les réservoirs environnementaux ‘naturels’ (eaux, sols, air) et hospitaliers (air, réseaux d’eau, surfaces), grâce à des capteurs ou à des prélèvements environnementaux, mais aussi humains, provenant de sujets sains ou infectés, hospitalisés ou non. La compréhension de la diffusion des AP impose la constitution de collections sur une grande échelle de temps et d’espace. Ainsi, les micro-organismes sur lesquels les chercheurs de ce thème travaillent ont été collectés dans plusieurs pays (Allemagne, Espagne, États-Unis, Royaume-Uni, etc.) et sur des temps longs (à l’échelle des siècles pour les paléo-microbiologistes).

Le but est de déchiffrer le mode de propagation des agents pathogènes et l’éco-épidémiologie des maladies infectieuses. Les méthodes utilisées reposent sur la comparaison des phénotypes et des génotypes des AP.

– Ces stratégies permettent :

d’identifier les caractéristiques des AP et les conditions de l’environnement et des hôtes qui favorisent leur propagation,
de développer des modèles prédictifs du risque d’émergence des AP à plusieurs échelles spatio-temporelles, et
de développer des outils pour anticiper et contrôler les épidémies actuelles et futures.

La lutte contre la diffusion des AP passe également par une amélioration des outils de dépistages primaires et secondaires de certaines infections et/ou de leurs conséquences incluant, par exemple, la caractérisation précise du phénomène d’hésitation vaccinale et l’amélioration du dépistage du cancer du col de l’utérus (amélioration de la performance et du vécu par les femmes) induit par les papillomavirus humains (HPV).


Axe 2 – Résistance aux agents antimicrobiens (RAM)
La lutte contre la résistance aux agents antimicrobiens est un défi majeur de santé publique et s’appuie sur l’étude de la prévalence et sur l’identification des déterminants géniques de résistance aux agents antibactériens et antifongiques.

La caractérisation précise des évènements moléculaires qui contribuent à la RAM concerne d’une part la modification de mécanismes dits “intrinsèques” survenant par mutations dans des gènes de résistance ou dans leurs régulateurs et d’autre part par l’acquisition de matériel génétique étranger. L’analyse de souches bactériennes cliniques montre que l’émergence de RAM peut être liée à la surproduction ou à la modification de certaines protéines, consécutivement à des mutations. En plus de ces dernières, certains de ces mécanismes de RAM peuvent être induits transitoirement en réponse à un stress physique, chimique et /ou mécanique, conférant à des souches sauvages une résistance à des antibiotiques utilisés chez l’Homme.L’identification de ces stress ainsi que les réponses moléculaires induites chez les AP sont essentielles pour mieux comprendre le contexte environnemental favorisant l’émergence et le développement de la RAM. En plus de ces mécanismes de résistance intrinsèques et adaptatifs (induits), les chercheurs de ce thème s’intéressent aux mécanismes acquis par transfert d’information génétique entre pathogènes, ces derniers représentant une menace importante pour la santé compte-tenu de leur potentiel de dissémination. En ce qui concerne les infections fongiques, la pression exercée par l’utilisation massive de fongicides en agriculture est une cause majeure de résistance croisée avec les antifongiques à usage médical. Dans le contexte actuel de pénurie de nouveaux antibiotiques et de nouveaux antifongiques, la détection et la caractérisation des mécanismes de résistance émergents, notamment aux molécules récemment mises sur le marché, sont cruciales, afin d’identifier rapidement les facteurs favorisant l’émergence de résistance et de fournir des informations pour le développement de molécules futures.


Axe 3 – Interaction hôte-pathogène

L’étude de la relation hôte-pathogène s’appuie sur une approche immunologique qui permet de quantifier l’exposition aux AP dans divers environnements (échantillons cliniques, air, eau, poussière et aliments) par la mesure des anticorps produits (IgE pour les réponses allergiques immédiates et IgG pour les réponses infectieuses et immuno-allergiques).

L’objectif est de caractériser les protéines microbiennes impliquées dans la réponse immune de l’hôte grâce à une approche protéomique (immunoprécipitation) et de les produire par génie génétique. Ces antigènes recombinants pourront être utilisés pour le diagnostic et le suivi des patients grâce à des techniques immunoenzymatiques. Pour certaines pathologies, la réponse immunitaire de l’hôte peut être mise en défaut, soit parce que l’AP arrive à échapper aux défenses immunitaires et à se multiplier en utilisant des voies immunologiques similaires à celles des tumeurs, soit parce que l’hôte est immunodéprimé (patients de cancéro-hématologie, transplantés d’organes solides ou de cellules souches hématopoïétiques, infectés par le VIH ou traités par biothérapies). Dans ce cas, la quantification de la réponse immune de l’hôte est impossible et la stratégie est de détecter directement des composants de l’AP (biomarqueurs antigéniques ou ADN) dans les échantillons cliniques afin d’établir un diagnostic par des techniques d’immuno-enzymologie ou de biologie moléculaire. Enfin, les interactions entre l’hôte et son microbiote (intestinal, vaginal) sont maintenant reconnues comme déterminantes dans la survenue et l’évolution de pathologies. Les chercheurs de ce thème étudient donc les relations entre le microbiote de l’hôte, la nutrition et la stimulation des défenses immunitaires (bioprotection, bionutrition). Ces travaux devraient permettre de mieux comprendre comment des modifications du microbiote (par les médicaments ou par la nutrition) peuvent impacter l’état de santé et la réponse aux traitements de l’hôte.

B – Approches : outils et méthodes

Les membres du thème Agents Pathogènes s’appuient sur des structures universitaires et hospitalières pour mener à bien les expérimentations en microbiologie. Les travaux sont effectués sur plusieurs sites universitaires (UFR Santé et UFR Sciences et Techniques) ainsi qu’au CHU de Besançon. Les collections microbiennes et les prélèvements biologiques sont conservés dans le Centre de Ressources Biologiques – Filière Microbiologique (CRB-FMB, biobanque BB-0033-00090, NF96- 900) et dans les Centres Nationaux de Référence (CNR). Fait remarquable pour un CHU de province, le CHU de Besançon héberge 3 CNR : (i) le CNR de la Résistance aux Antibiotiques (Pr Katy Jeannot), (ii) le CNR Echinococcoses (Pr Laurence Millon), et (iii) le CNR Papillomavirus humains (Pr Jean-Luc Prétet). Le financement des CNR permet de recruter des techniciens et ingénieurs spécialisés, dans le but d’assurer une expertise et une surveillance épidémiologique nationale, de tester de nouveaux outils diagnostiques et de détecter les phénomènes émergents. Le thème Agents Pathogènes peut s’appuyer également sur (i) la plate-forme PEA²t qui dispose de nombreux équipements et ressources de biologie moléculaire et (ii) la plateforme hospitalo-universitaire 2B2S (Bioinformatique et Big Data au service de la Santé, labellisée UBFC) qui rassemble les compétences et le matériel bioinformatique pour l’analyse des génomes microbiens. En plus des laboratoires P2, les chercheurs du thème ont accès au laboratoire de Sécurité Biologique P3 du CHU de Besançon, et ont pour projet l’installation d’une salle blanche de paléogénétique (en 2023). Par ailleurs, tous les chercheurs du thème sont impliqués dans le projet PIA4 ExcellenceS HARMI 2022-2032 (Harnessing Microbiomes for Sustainable Development) porté par UBFC.
Les recherches du thème reposent le plus souvent sur la constitution de cohortes locales, nationales ou internationales multicentriques et sur des collections d’échantillons et des bases de données. Les chercheurs ont constitué de vastes collections de micro-organismes, principalement d’origine humaine, mais également environnementale et animale. A titre d’exemple, le CRB-FMB conserve à ce jour plus de 90 000 micro-organismes identifiés et caractérisés. En plus, des échantillons cliniques humains (sérums, expectorations, écouvillons nasaux, prélèvements digestifs, et vaginaux), des échantillons d’origine environnementale (eaux, sols et aliments) sont conservés dans les biobanques du CHU et d’UFC. Le thème s’appuie aussi sur des bases de données (i) cliniques, provenant des patients (démographiques, paramètres biologiques, scores de gravité, etc.) et (ii) environnementales.
Une des premières étapes de l’analyse des micro-organismes est l’analyse phénotypique. Ainsi, les chercheurs du thème ont une expertise dans l’analyse phénotypique des mécanismes de résistance aux agents antimicrobiens, de la virulence et des conditions de croissance des AP. Ils disposent de nombreux outils et compétences pour tester in vitro la sensibilité des bactéries, levures et champignons aux agents antimicrobiens tels que la détermination des concentrations minimales inhibitrices, des tests d’induction et des mesures de bactéricidie. Ils utilisent également une approche microscopique pour évaluer l’effet des traitements antibactériens et pour rechercher des AP dans des échantillons anciens. Cette approche phénotypique s’articule de façon complémentaire avec une approche génotypique. La sélection de mutants aléatoires et la construction de mutants par inactivation, la mutagenèse dirigée ou le clonage sont des techniques maîtrisées par les chercheurs du thème. La variabilité génétique des AP, à l’origine de modification de leur virulence, de l’apparition de résistance aux agents antimicrobiens et permettant leur typage, est explorée par séquençage ciblé ou par séquençage du génome complet (WGS) ; son impact sur l’expression des gènes des AP est mesuré par des techniques de fusions transcriptionnelles, de RT-qPCR, et/ou de transcriptomique (RNA-seq). Enfin, ces approches s’intègrent à l’échelle des relations hôte-pathogènes par une approche immunologique. Cette approche requiert la quantification et qualification (i) de l’exposition des patients aux AP (par qPCR, ddPCR, PCR lamp) et (ii) des réponses immunitaires et inflammatoires des patients. A cette fin ont été mises au point et développées pour le criblage en routine des techniques de cytométrie en flux et des techniques immunoenzymatiques et d’immunoprécipitation avec antigènes recombinants déterminés par approche protéomique. Les travaux de recherche menés par le thème Agents Pathogènes sont appliqués à la fois sur des modèles in vitro, ex-vivo (expectoration, frottis, biopsie et liquides biologiques) et in vivo sur des modèles de cultures cellulaires (cellules Vero, U2-OS, fibroblastes, Ca Ski, SiHa) et des modèles murins. Les résultats obtenus peuvent être soumis à des étapes de modélisations mathématiques (modèles de dynamique de populations, modèles multi-échelles), d’analyses bio-informatiques (génomique, transcriptomique, protéomique, et modèles phylogénétiques) et/ou d’analyse des données (analyses statistiques, ACP…).

C – Objets et terrains d’études, collaborations

Le thème Agents Pathogènes étudie l’émergence et la transmission des microorganismes pathogènes à l’échelle de l’Homme (pathogénicité, physiologie, aspects génétiques) mais aussi de son environnement (communautaire ou hospitalier).

– À l’échelle de l’Homme, sont étudiés : (i) les mécanismes moléculaires intrinsèques, acquis et adaptatifs de résistance aux antimicrobiens chez les bacilles à Gram négatif non fermentants, (ii) l’adaptation de souches de Pseudomonas aeruginosa isolées de patients atteints de mucoviscidose à l’exposition aux antimicrobiens de diverses natures (antibiotiques, antiseptiques, huiles essentielles, peptides antimicrobiens), (iii) les pathologies cutanéomuqueuses associées aux HPV, (iv) l’épidémiologie, l’immunologie et le diagnostic des maladies respiratoires allergiques, et (v) l’épidémiologie moléculaire et les mécanismes immunologiques des échinococcoses.
– À l’échelle des Institutions de soins, sont suivies l’émergence et la diffusion des bactéries, virus et champignons pathogènes. Les chercheurs du thème étudient les principales espèces pathogènes nosocomiales (Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, virus respiratoires, Aspergillus, Mucorales) ou se développant dans l’environnement hospitalier (Legionella pneumophila). Les nombreux prélèvements de l’environnement hospitalier (air, eau et surfaces), notamment dans les services à risque (réanimation, onco-hématologie et les blocs opératoires) permettent la compréhension de la diffusion de ces pathogènes et la maîtrise du risque d’infections nosocomiales. Les données cliniques sont croisées avec les données d’épidémiologie microbienne pour identifier les pathogènes ou certains clones responsables d’infections graves comme les endocardites et les infections ostéo-articulaires.
La diffusion des AP est également étudiée à l’échelle des communautés humaines, hospitalisées ou non, souvent en considérant les autres compartiments propres à l’approche One health : l’environnement et les animaux. Au cœur de ce thème, les chercheurs étudient la dynamique des maladies infectieuses dans les communautés contemporaines (HPV en France, en Europe et dans le monde ; choléra et paludisme au Cameroun ; Echinococcus multilocularis en Europe) ou passées (paléodistribution des maladies parasitaires). Le rôle de l’environnement dans les épidémies est également considéré, qu’il soit naturel (choléra en République Démocratique du Congo, angiostrongyloïdose en Haïti, Cryptosporidium dans les eaux de source) ou hospitalier (P. aeruginosa en unités de soins intensifs, L. pneumophila dans le réseau d’eau). Les chercheurs du thème travaillent également sur les conséquences de l’utilisation des fongicides dans les agrosystèmes sur l’émergence et la diffusion de levures ou d’Aspergillus résistants. Enfin, le rôle du réservoir animal est particulièrement étudié pour comprendre la circulation des parasites Echinococcus (renard, rongeurs) ou des bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques (Entérobactéries productrices de ß- lactamases à spectre étendu).

Collaborations
Les activités de recherche décrites s’appuient sur des collaborations nationales et internationales, déjà établies ou en cours de construction via des réseaux nationaux (universités de Strasbourg, Aix- Marseille, Grenoble, et Paris Descartes, La Réunion, le Muséum national d’Histoire Naturelle, ANSES et les Instituts Pasteur de Paris et de Lille) et internationaux (Western Ontario University, CECIR Braunschweig, Imperial College London, University of Oxford, et les hôpitaux universitaires de Séville, Genève, Tübingen, Utrecht, Verona, Imperial college London, Université de Bern). Les projets s’appuient également sur des réseaux internationaux et nationaux (European Society for Clinical Microbiology and Infectious Diseases, Groupe d’expert Pseudomonas, JPIAMR network Improving surveillance of antibiotic-resistant Pseudomonas aeruginosa in Europe (ISARPAE), GDR CNRS Multi- fonction des Peptides Antimicrobiens, GDR CNRS MathSAV, AMR-env (réseau PROMISE), Société Française de Microbiologie (SFM), Association Francophone pour l’étude des Infections à Papillomavirus et Polyomavirus (AFIPP), National HPV Reference Laboratory Network, Académie nationale de Pharmacie), Réseau de Surveillance INfections FONgiques Invasives » (« SINFONI »), Réseau ISHAM/FPCRI (International Society for Human and Animal Mycology /Fungal PCR Initiative), Joint Programming Initiative on Antimicrobial Resistance – Aspergillus network, European Register For Cystic Echinococosis. Enfin, les chercheurs du thème trouvent un appui (master, doctorat) grâce à la structuration des enseignements autour de la thématique Agents Pathogènes avec l’UE Physiopathologie des Maladies Transmissibles (M1 santé, UFR Santé), l’UE Environnement Risques Infectieux et Sanitaires (M1 santé, UFR Santé), l’UE Biologie Moléculaire et Cellulaire (M1 Santé, UFR ST), l’UE Bactériologie/virologie (M1 SCM, UFR ST) et le Master 2 Microbiologie Antibiorésistance Génomique Epidémiologie (MAGE, UFR Santé). Le Master MAGE appartient à la Graduate School TRANSBIO.