Au petit matin de la Toussaint, presque 50 ans après avoir livré ses premiers secrets à la communauté scientifique et plus de 30 ans après la dernière campagne en date, la tourbière de la Grande Pile (Saint-Germain, 70) a de nouveau ouvert ses exceptionnelles entrailles multimillénaires à une équipe de chercheurs des universités de Franche-Comté et d’Aix-Marseille. Un reportage à lire sur le site du CEN Franche-Comté
Une campagne de terrain sous le soleil
Hervé Richard (LCE) et Jacques-Louis de Beaulieu (IMBE Aix) ont dirigé une campagne de terrain sur la tourbière de la Grande Pile à Saint-Germain (70) début novembre 2024. Ont participé au carottage de cette nouvelle séquence sédimentaire Elodie Brisset (CEREGE Aix), Frédéric Guiter (IMBE Aix-Marseille), Julien Didier (LCE) et Augustin Nicolas, (M1 archéo). Les analyses anciennes de cette tourbière (1975/1992) ont bouleversé les connaissances des fluctuations climatiques qui ont affecté le continent européen ces 130 derniers millénaires. Les niveaux profonds datent de l’avant-dernière glaciation (Riss) puis mettent en évidence l’interglaciaire Éémien. Dès -115 000 ans, une phase préglaciaire puis glaciaire (Würm), caractérisée par de vastes steppes froides, perdure jusqu’à -24 000. Ensuite, après une lente phase de réchauffement, le Tardiglaciaire permet l’installation de forêts boréales. À partir de -11 700 ans jusqu’à nos jours, se développe l’interglaciaire holocène.
Lors de ce dernier forage, l’équipe a atteint 14 mètres avec un gros carottier russe (diamètre 10cm, longueur 1 m) avec la machine Apageo + une carotte de 14 à 15 m puis une autre de 15 m à 15,80 mètres avec un carottier Cobra.
Une archive sédimentaire exceptionnelle
Outre l’Holocène et le Tardiglaciaire, les chercheurs estiment avoir prélevé tout le dernier glaciaire, y compris l’alternance d’épisodes tempérés et froids : Saint-Germain 1 et 2 et Mélisey 1 et 2, et probablement la partie récente de l’Eémien. Ces carottes pourraient en effet couvrir les 110 à 120 000 derniers millénaires sans pour autant atteindre l’avant-dernière glaciation du Riss comme les forages anciens de 1975 et 1990-92. Il est très facile de repérer sur cette séquence le Tardiglaciaire et ainsi dire que le Dryas ancien est enregistré entre 5 mètres et 5,60 mètres, ce qui implique que tout ce qui est en-dessous est plus ancien que 18 000 ans, et traverse entre autres les niveaux froids du dernier glaciaire.
L’histoire du climat et de l’environnement révélée peu à peu
Les scientifiques attendaient donc des niveaux gris très uniformes typiques de ces périodes froides et en fait toute la séquence située sous le Tardiglaciaire est composée d’agriles vertes à marron, alternant avec quelques passages franchement organiques ou au contraire très gris sans matière organique apparente (voir photo 11-12 mètres, soit 6 mètres sous le Dryas ancien).
Sur les sédiments recueillis, une série d’analyses est prévue qui, pour la plupart, n’avaient pas été effectuées auparavant : pétrophysique ; géochimie ; chronologie (14C, micro-tephras, thermoluminescence, Argon-Argon) ; ADN sédimentaire ; grains de pollen, spores et microfossiles non polliniques ; thécamoebiens ; histoire locale des feux…
Contact : Hervé Richard