Forêts boréales, forêts tempérées, toutes sont impactées par le changement climatique. Cécile Remy s’intéresse à l’impact des perturbations sur les écosystèmes. Elle a rejoint Chrono-environnement depuis avril pour travailler sur le projet RETROPEST. Portrait
Labo – Quelle est votre discipline de recherche ?Cécile Remy – L’écologie forestière
Une phrase pour expliquer votre métier
J’étudie les dynamiques forestières en lien avec les perturbations (feux, épidémies d’insectes, tempêtes) et les variations climatiques afin améliorer la conservation et la gestion des ressources environnementales dans un contexte de changements globaux.
D’où venez-vous ? Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai réalisé ma thèse en cotutelle à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au Canada et à l’Université de Montpellier en France sur les dynamiques spatio-temporelles des feux et de la végétation au cours de l’Holocène dans les forêts boréales conifériennes du Québec-Labrador (Remy et al. 2017). Après cette expérience axée sur l’étude du passé, j’ai eu envie de d’explorer le futur. Je suis donc partie faire un postdoctorat à l’Université du Nouveau-Mexique aux États-Unis pour étudier l’impact des changements climatiques, des feux, et de leur gestion sur les dynamiques des forêts du sud-ouest américain à l’horizon 2100 (Remy et al. 2021). Mes résultats m’ont amené à vouloir développer des recherches centrées sur la conservation des écosystèmes forestiers face aux changements climatiques en cours. J’ai choisi l’Université d’Augsbourg en Allemagne pour réaliser mon projet intitulé GUARDIAN (financement de la Deutsche Forschungsgemeinschaft 2023-2026) visant à identifier et développer des plans de gestion des futurs refuges forestiers dans les forêts de montagnes (Le Berre et al. 2024, conférence International Union of Forest Research Organizations World congress: Forests & Society towards 2050, 23-29 June 2024, Stockholm, Suède). Ces expériences m’ont offert de nouvelles perspectives de recherche en vue d’exploiter la complémentarité entre les études des dynamiques de végétation et de perturbations passées et futures pour améliorer les outils de gestion des écosystèmes forestiers.
Quelles sont vos activités de recherche ?
Au laboratoire Chrono-environnement, je travaille sur le projet ANR RETROPEST piloté par Damien Rius, donc l’objectif est d’étudier les interactions entre les épidémies d’insectes et les feux en forêt boréale au Québec. Avec un collègue québécois, je coordonne le WP5, qui vise à améliorer les projections des dynamiques de végétation et de régimes de perturbations futures en utilisant les enregistrements paléoécologiques comme données de calibration des modèles de paysages forestiers.
Quels sont les intérêts de cette recherche ?
Anticiper les effets de perturbations multiples tels que les feux et les épidémies d’insectes sur les écosystèmes forestiers dans le contexte des changements globaux requiert des modèles dont la paramétrisation s’appuie sur des processus écologiques identifiés et quantifiés et dont la calibration est réalisée à l’aide de données empiriques. Or, les données disponibles pour paramétrer les modèles sont principalement limitées aux dernières décennies. Cette courte fenêtre temporelle ne permet pas d’assurer la capacité des modèles à simuler les changements de trajectoires de la végétation liés aux feux et aux épidémies d’insectes et dans des contextes climatiques changeants. Les observations à l’échelle pluriséculaire à multimillénaire issues des autres axes du projet RETROPEST permettront d’améliorer les modèles en intégrant les processus écologiques mis en évidence afin d’obtenir des projections des paysages forestiers plus robustes.
Quelles sont vos perspectives de recherche ?
Mes recherches permettront de quantifier l’impact des changements climatiques futurs sur les régimes de feux et d’épidémies ainsi que sur les trajectoires de végétation en forêt boréale. Cette meilleure anticipation pourra ensuite être utilisée pour optimiser les stratégies de gestion de ces perturbations et ainsi mieux conserver les services écosystémiques fournis par ces forêts. Cette approche combinant paléoécologie et modélisation pour améliorer les projections et la gestion des écosystèmes forestiers face aux changements globaux offre finalement des perspectives de recherche importantes pour être développé dans d’autres forêts soumises à d’autres types perturbations.
- Remy C. C., Lavoie M., Girardin M. P., Hély C., Bergeron Y., Grondin P., Oris F., Asselin H. et Ali A. A. (2017) Wildfire size alters long-term vegetation trajectories in boreal forests of eastern North America.Journal of Biogeography, 44(6): 1268-1279.
- Remy C. C., Keyser A. R., Krofcheck D. J., Litvak M. E. and Hurteau M. D. (2021) Future fire-driven landscape changes along a southwestern US elevation gradient. Climatic Change, 166: 46.
- Remy C. C., Krofcheck D. J., Keyser A. R., Hurteau M. D. (2024) Restoring frequent fire to dry conifer forests delays the decline of subalpine forests in the southwest United States under projected climate. Journal of Applied Ecology, 66(7): 1508-1519.